Cadence rapide et automatisation, division et simplification des gestes professionnels, hygiénisation et sécurisation. Au rythme de la chaîne d’abattage, la folle danse entre humains et animaux
A partir de la fin des années 1960, l’activité du complexe se déroule essentiellement selon l’organisation rationnelle de l’abattoir industriel, conçue autour de la chaîne d’abattage, qui intègre notamment un système de transport automatisé des carcasses aux différentes étapes de leur transformation en viande. C’est à cette période que sont installées les chaînes d’abattage du petit et gros bétail, adaptées aux nouvelles méthodes de mise à mort par pistolet d’abattage, de saignée – la saignée verticale remplaçant la saignée horizontale – et de dépeçage des carcasses.
L’automatisation et la division du travail introduites par l’industrialisation entraînent partout une profonde mutation du métier de boucher-charcutier. Avec le travail à la chaîne, la polyvalence requise auparavant cède la place à des tâches simplifiées et répétitives.
Dans un abattoir industriel, l’activité est en effet dictée par l’application de normes sanitaires strictes, le rythme soutenu de la chaîne et les objectifs de production. La chaîne compte une dizaine de stations où des opérations spécifiques sont effectuées par une ou deux personnes : étourdissement, saignée, écorchage, éviscération, fente vertébrale, inspections sanitaires, parage, etc.
L’ensemble des opérations dure une dizaine ou une vingtaine de minutes, selon qu’il s’agit de « petit bétail » (moutons, veaux, porcs) ou de « gros bétail » (bovins, chevaux). Les carcasses sont ensuite entreposées plusieurs heures dans des halles frigorifiques de ressuage afin de les déshumidifier en attente d’être congelées ou retirées par les acheteurs. L’entreposage de longue durée est amélioré dès 1964 grâce à l’inauguration d’un dispositif de congélation pouvant atteindre moins 36 degrés. L’informatisation fait son apparition dans les années 1980 permettant, par exemple, une régulation thermique – auparavant manuelle – automatisée des réfrigérateurs, ou le remplacement, en 1989, des anciennes balances.
Depuis 1972, le système mécanique des chaînes ne subit, sauf pour le petit bétail, aucune modernisation majeure, malgré la conception au début des années 1990 d’un projet de rénovation global qui ne sera pas achevé. Les problèmes réclamant une intervention urgente de réparation sont courants. L’arrêt nécessaire du circuit d’abattage occasionne parfois retards et mécontentements, raconte un technicien du service d’entretien, chargé de la révision et du dépannage de toutes les installations. Il relève la difficulté d’assurer la manutention d’équipements techniques qui évoluent : « Des fois, on savait qu’on n’avait pas l’outil qu’il fallait, mais on devait répondre à des exigences comme si l’outil était là ! Donc, on faisait des improvisations, des relevés manuels, pour pouvoir montrer et assurer à ceux qui venaient nous contrôler qu’on avait respecté les températures, qu’on avait respecté la production d’eau chaude. Qu’on avait aussi le souci de ne pas consommer inutilement de l’énergie… ».
Sources
Littérature secondaire