Dans les halles d’abattage où évoluent bouchers «municipaux» et «ambulants» rétribués à la tâche, deux groupes de professionnels cohabitent et s’opposent parfois
Placés sous l’autorité de la Direction de Police, les abattoirs appartiennent à une unité administrativement rattachée à la Ville de Lausanne. Service public particulier, les abattoirs doivent s’autofinancer avec les recettes des taxes d’abattage et les locations. Conçus selon les principes de la production industrielle pour le commerce en gros de la viande, les abattoirs réunissent divers métiers. On y trouve des vétérinaires, des inspecteurs et des contrôleurs des viandes, des employés et employées de bureau, des mécaniciens, des concierges, des nettoyeurs et des désinfecteurs, des équarrisseurs, et des employés de fourrière. Engagés par la Ville, ils sont environ une vingtaine depuis les années 1960 et plus de trente à partir de 1970. A cela s’ajoute en moyenne une demi-douzaine d’« ambulants », spécialistes indépendants chargés de la découpe par les éleveurs ou les bouchers et qui sont rétribués à la tâche. Dans le but d’offrir une transparence sur les activités menées, tous les particuliers peuvent participer sur annonce préalable à des visites accompagnées.
Les contrôleurs des viandes, sous l’autorité du vétérinaire et souvent considérés comme les « gendarmes » des abattoirs, veillent au respect des normes définies par la loi dès la livraison du bétail. Les enjeux financiers qui dépendent de leur pouvoir décisionnel sont importants. Il arrive parfois que la tension monte avec les livreurs lorsqu’il s’agit de surveiller le traitement adéquat du bétail lors de son déchargement ou de statuer sur la santé de certaines bêtes malades ou blessées.
Sur la chaîne d’abattage, le chef d’équipe et les chefs de halle sont chargés de la mise à mort du bétail, ce qui leur permet de contrôler le rythme de travail des ambulants. Les contrôleurs des viandes vérifient la conformité de la viande par différents procédés (incision de certains organes, prélèvements analysés dans le laboratoire situé dans le bâtiment administratif) que les ambulants considèrent parfois comme une source de ralentissement ou de gêne dans la réalisation de leur travail.
Rassemblées dans le Règlement interne de l’abattoir, des prescriptions strictes concernant l’hygiène et le comportement sont imposées au personnel et à tous les usagers. Elles concernent aussi bien la propreté des installations ou la tenue vestimentaire, qui doit être changée régulièrement, que la consommation d’alcool qui est interdite durant les heures de travail. Dans cet univers professionnel astreignant et presque exclusivement masculin, certains rites en vigueur entre les employés se soustraient toutefois au contrôle social exercé par la Direction. Lors de la saignée par exemple, certains bouchers se souviennent qu’il arrivait parfois, dans certains abattoirs, qu’un de leurs collègues récupère le sang pour le boire instantanément.
Dans les halles d’abattage, les conditions de travail sont rudes, car, certains jours, on y abat de 5 h 30 à 18 h à une cadence soutenue et dans un bruit assourdissant. À cela s’ajoute, entre autres, l’inconfort, accru durant l’été, occasionné par l’air surchauffé généré par les machines et les vapeurs, ou par les courants glacés l’hiver. Les premiers employés arrivent dès 4 h 30 pour mettre en route la chaîne d’abattage. Certaines journées sont particulièrement lourdes comme l’explique Olivier Mariano, contrôleur des viandes :
« Il y avait par exemple la période des moutons où on arrivait à 1000–1200 moutons par jour […] C’était des rythmes incroyables, mais on était habitués… pour nous, ça ne nous choquait pas […], ça faisait partie de notre job… »
L’univers difficile des abattoirs est un secteur où le recours à des travailleurs immigrés est fréquent. A Malley, le personnel étranger – provenant principalement d’Europe du sud et d’Afrique du nord – occupe des tâches à tous les niveaux hiérarchiques.
Sources
Littérature secondaire