Rien ne se perd, tout se transforme

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Le cycle de produc­tion des abat­toirs de Malley génère une grande quan­tité de « sous produits animaux», dont le trai­te­ment privi­lé­gie la réuti­li­sa­tion jusque dans les années 1990

Aux abat­toirs de la Ville de Lausanne, la viande n’est pas l’unique produit fini. Peaux et corps gras de certains animaux sont prépa­rés pour la vente à la halle aux cuirs et au fondoir des graisses, gérés admi­nis­tra­ti­ve­ment par la Société vaudoise des maîtres bouchers. Quant aux déchets carnés, ils sont trans­for­més en farines animales, servant de graisse indus­trielle, d’en­grais ou de four­rage pour l’éle­vage. A la suite de la crise de la vache folle, ce dernier usage sera néan­moins inter­dit en Suisse dès 1990 pour les rumi­nants et à partir de 2001 pour l’en­semble du chep­tel. Enfin, même le bétail impropre à la consom­ma­tion humaine peut parfois être monnayé en tant que pâture pour fauves de cirque.

Yvan Muriset, Transport de déchets carnés, Abattoirs de Malley, 10.07.1980, © Yvan Muriset, Archives cantonales vaudoises
Yvan Muriset, Transport de déchets carnés, Abattoirs de Malley, 10.07.1980, © Yvan Muriset, Archives cantonales vaudoises
Un dompteur embarrassé de ne plus pouvoir nourrir ses fauves avec de la viande impropre à la consommation à prix très avantageux, Carrefour, juillet 1969, © RTS Radio Télévision Suisse

Les acti­vi­tés d’éli­mi­na­tion et de recy­clage des sous-produits d’abat­tage sont effec­tuées dans des locaux d’équar­ris­sage situés au nord-ouest du site. Lors de la fièvre aphteuse de 1965, les saisies et déchets carnés sont toute­fois mis en terre, l’ins­tal­la­tion étant insuf­fi­sante pour trai­ter d’aussi grandes quan­ti­tés à la fois.

Le directeur des abattoirs de Malley, le Dr Roger Benoît rassure les consommateurs au sujet de la fièvre aphteuse qui frappe le cheptel romand, Horizons, 08.11.1965, ©RTS Radio Télévision Suisse.
Attention, certaines images peuvent heurter les sensibilités!

Puis, dans l’idée de réduire les odeurs qui incom­modent les habi­tants et habi­tantes du quar­tier, l’usine de récu­pé­ra­tion est complé­tée succes­si­ve­ment par quatre fours inci­né­ra­teurs suppo­sés inodores. Cepen­dant, les fumées impor­tunent le voisi­nage, même au-delà du Pont du Gali­cien, jusque dans le quar­tier de Bel-Orne. En guise de solu­tion, l’in­ci­né­ra­tion et le trai­te­ment des déchets sont exter­na­li­sés à Genève et dans le Jura français dès 1973. Le thème des nuisances aura été récur­rent dans l’his­toire des abat­toirs de la Ville de Lausanne puisqu’il avait notam­ment été invoqué au conseil commu­nal en faveur du trans­fert du complexe de la Borde à Malley, zone péri­phé­rique alors peu urba­ni­sée.

D’ha­bi­tude épar­gnés de ces lieux de par leur statut juri­dique parti­cu­lier, des animaux de compa­gnie, toujours plus nombreux dans les foyers suisses dès la deuxième moitié du 20e siècle, ainsi que des animaux sauvages malades, bles­sés ou morts y sont parfois inci­né­rés.

Patrick Martin, Présentation de l'incinération des animaux domestiques par Raymond Pahud (Directeur), Abattoirs de Malley, 18.01.1996, © Agence A.I.R, Patrick Martin, Archives cantonales vaudoises
Patrick Martin, Présentation de l'incinération des animaux domestiques par Raymond Pahud (Directeur), Abattoirs de Malley, 18.01.1996, © Agence A.I.R, Patrick Martin, Archives cantonales vaudoises
Patrick Martin, Présentation de l'incinération des animaux domestiques, Abattoirs de Malley, 18.01.1996, © Agence A.I.R, Patrick Martin, Archives cantonales vaudoises.
Patrick Martin, Présentation de l'incinération des animaux domestiques, Abattoirs de Malley, 18.01.1996, © Agence A.I.R, Patrick Martin, Archives cantonales vaudoises.

Placés sous le patro­nage du Dr Samuel Debrot, certains y échap­pe­ront, à l’image d’un singe, trans­féré dans un zoo. Pendant vingt ans, le direc­teur à la retraite s’en­gage, en tant que président de la Société vaudoise pour la protec­tion des animaux, pour la créa­tion d’un four créma­toire anima­lier indé­pen­dant des abat­toirs. Après la construc­tion d’une struc­ture jugée non conforme aux dispo­si­tions légales et démon­tée en 1990, l’ins­tal­la­tion tant atten­due voit le jour en 2010 à Vidy.

Sources

  • Bulle­tins du conseil commu­nal de la Ville de Lausanne, 1924–2015, Archives de la Ville de Lausanne.
  • Dossiers de mise à l’enquête rela­tifs aux abat­toirs de Malley, Archives de la Ville de Prilly.
  • Brian Favre et Judith Zagury, Inter­view complète de Samuel Debrot, in : L’Au­di­toire, 27.03.2013.
  • Lausanne : le créma­toire des animaux est un succès, in : rts.ch, 04.08.2010
  • Rapports de gestion de la Muni­ci­pa­lité de Lausanne, 1945–2002, Archives de la Ville de Lausanne.
  • Témoi­gnages d’an­ciens et d’an­ciennes employés et employées des abat­toirs ainsi que d’ha­bi­tants et habi­tantes du quar­tier, 2019–2020, IHM CHUV-UNIL et Asso­cia­tion AAU.

Litté­ra­ture secon­daire

  • Peter Lehmann, Jörg Schi­bler, « Animaux domes­tiques », in : Diction­naire histo­rique de la Suisse, 29.11.2007.