Un abattoir d'intérêt public

7

Insti­tu­tion publique ratta­chée à la Ville, le Service des abat­toirs de Lausanne fonc­tionne sur la base d’une rela­tive autar­cie finan­cière qui, en temps normal, équi­libre ses comptes, voire génère parfois un béné­fice

Depuis la fin du 19e siècle jusqu’au milieu du 20e siècle, les abat­toirs, en tant que service d’in­té­rêt public, s’im­posent dans la plupart des villes suisses et préservent l’exis­tence d’un lien avec le monde rural en mettant leurs instal­la­tions à dispo­si­tion de tous.

Patrick Martin, Abattoirs de Malley, 13.03.1991, © Agence A.I.R, Patrick Martin, Archives cantonales vaudoises.
Patrick Martin, Abattoirs de Malley, 13.03.1991, © Agence A.I.R, Patrick Martin, Archives cantonales vaudoises.

Ce modèle est en effet long­temps consi­déré par les auto­ri­tés poli­tiques comme le moyen le plus sûr d’as­su­rer la qualité de la viande tout en faisant respec­ter des règles strictes d’hy­giène et, plus tard, de protec­tion des animaux. Loin de consti­tuer une simple « usine à viande », l’abat­toir public repré­sente égale­ment un instru­ment de santé publique sur lequel s’ap­puient, sous l’égide de l’Of­fice vété­ri­naire fédé­ral, les services et labo­ra­toires vété­ri­naires muni­ci­paux et canto­naux dans la lutte contre les épizoo­ties. Contrai­re­ment aux abat­toirs privés, ils doivent, à ce titre, dispo­ser d’un équi­pe­ment spéci­fique pour assu­rer l’éli­mi­na­tion du bétail malade.

Les différents types d’estampillage de la viande présentés par le directeur des abattoirs de Malley, Samuel Debrot, dans son ouvrage <i>Technologie vétérinaire</i>, 1967.
Les différents types d’estampillage de la viande présentés par le directeur des abattoirs de Malley, Samuel Debrot, dans son ouvrage Technologie vétérinaire, 1967.
Un des aspects qui caractérise l’abattoir public est la transparence des activités qui y sont menées “ Visite des abattoirs”, Gazette de Lausanne du 21 juin 1947, p. 8, Archives du Temps en ligne.
Un des aspects qui caractérise l’abattoir public est la transparence des activités qui y sont menées “ Visite des abattoirs”, Gazette de Lausanne du 21 juin 1947, p. 8, Archives du Temps en ligne.

A Malley, les abat­toirs ne sont pas gérés dans l’op­tique de déga­ger des béné­fices, mais fonc­tionnent par auto­fi­nan­ce­ment alors que les pouvoirs publics prennent en charge les frais d’en­tre­tien et de moder­ni­sa­tion des instal­la­tions. Les taxes d’abat­tage sont factu­rées aux usagers pour assu­rer la couver­ture des frais d’ex­ploi­ta­tion, qui ne comprennent pas les instal­la­tions annexes, à savoir le fondoir des graisses et la halle aux cuirs, aux mains de la Société des maîtres bouchers comme une partie des tripe­ries. Pour rééqui­li­brer les comptes défi­ci­taires du Service, ces taxes sont augmen­tées à plusieurs reprises. Jusqu’en 1995, l’abat­toir lausan­nois assure égale­ment son fonc­tion­ne­ment, un tiers des reve­nus du Service, grâce aux taxes perçues sur la viande « impor­tée » (la viande « foraine ») ache­tée par les bouchers et commerçants de viande à l’ex­té­rieur de l’ar­ron­dis­se­ment, compre­nant Lausanne et diverses communes voisines.

Contraints d’équi­li­brer ses comptes tout en conser­vant des taxes d’uti­li­sa­tion compé­ti­tives par rapport aux abat­toirs privés qui se déve­loppent progres­si­ve­ment, les abat­toirs de Malley cherchent à augmen­ter, au fil du temps, leur volume d’abat­tage. La ferme­ture des abat­toirs de Genève en 1990 leur permet de conclure des conven­tions avec de « gros » usagers de la région gene­voise, s’en­ga­geant à livrer un tonnage mini­mal annuel fixe.

A Malley, il arrive parfois que des animaux s’échappent et rejoignent la voie publique. “Vache abattue”, Gazette de Lausanne, 26.07.1960, p.5, Archives du Temps en ligne.
A Malley, il arrive parfois que des animaux s’échappent et rejoignent la voie publique. “Vache abattue”, Gazette de Lausanne, 26.07.1960, p.5, Archives du Temps en ligne.

La Ville de Lausanne conserve, comme tâches de droit public, le contrôle des viande, le pesage et l’éli­mi­na­tion des déchets, tout en restruc­tu­rant, en 1997, le Service des abat­toirs dans le sens d’une priva­ti­sa­tion. Restant proprié­taire des lieux, sa mission se limite dès lors à l’en­tre­tien des bâti­ments, des chaînes d’abat­tage, des instal­la­tions tech­niques et frigo­ri­fiques et à la four­ni­ture d’eau et d’élec­tri­cité à desti­na­tion de la Société d’ex­ploi­ta­tion des abat­toirs de Lausanne.

Sources

  • Fonds sur les abat­toirs de Lausanne, Archives de la Direc­tion de la sécu­rité et de l’éco­no­mie de la Ville de Lausanne.
  • Témoi­gnages d’an­ciens et d’an­ciennes employés et employées des abat­toirs, 2019–2020, IHM CHUV-UNIL et Asso­cia­tion AAU.

Litté­ra­ture secon­daire